La Mort.
La Vie.
Vie & Mort. Mort & Vie. Tous deux s’entrelacent amoureusement dans une danse folle, intense et belle, en un rituel mystérieux où la finitude de nos existences personnelles et les peurs qu’elle alimente en chacun de nous rencontrent les sagesses ancestrales qui transcendent nos destins, nous rappelant que des liens, invisibles mais indéfectibles, nous unissent à la terre dont nous sommes issus, à l’univers dont nous sommes une infime mais indestructible parcelle. Rien ne se crée. Rien ne se perd. Tout se transforme. Terre, eau, feu, air.
Samedi 10 octobre était la « Journée Internationale des Soins Palliatifs ». On m’a demandé un reportage car, à cette occasion, l’association « Palliative Vaud » – consacrée à faire connaître les soins palliatifs, à en former les intervenants (institutionnels ou bénévoles) ou à faire évoluer notre approche de la fin de vie – a mis en scène pour le public veveysan un rituel de deuil interprété par deux danseuses et trois musiciens qui se réunissaient pour la première fois à cette occasion. La journée froide et pluvieuse qui s’annonçait ne suscitait pas vraiment mon enthousiasme. Mais j’y ai découvert des personnes impliquées, profondément humaines et habitées d’une extraordinaire lumière intérieure.
Ce fut ainsi un moment incroyable de force et de beauté, un de ces moments rares qui gonflent notre cœur de bonheur – par-delà le drame qu’ils évoquent – et bousculent nos vies, car ils nous connectent, l’espace d’un instant, à l’essentiel.
La danse et la musique nous ont raconté, ensemble, la fin d’une vie, la douleur incommensurable de la séparation, le deuil qui semblait impossible, et qui pourtant viendrait un jour. Elles nous ont murmuré que, loin de s’opposer à la vie, la mort s’y inscrit en plein : elle en est la continuité et, sans doute aussi, le recommencement.
Ma seule déception fut la parcimonie du public. J’avais envie de crier : « Venez, venez voir ce spectacle essentiel, venez vous nourrir et vous abreuver à la beauté, venez vous réconcilier avec ce qu’il a de plus terrible dans nos existences, sa finitude ». Maurice Ravel a dit : « Il n’y a pas de grandeur sans tristesse ». Je crois profondément qu’il avait raison : notre vie n’aurait ni sa saveur particulière, ni son intensité sans la perspective de son inéluctable fin.
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Nikon D5 – Nikkor AF-S 70-200mm f/2.8 – 170mm 1/640s – f/2.8 – 2500 ISO